L’accueil qui m’est réservé à la frontière roumaine fait chaud au cœur. Les douaniers prennent le temps de discuter, et me demandent de rester prudent sur les routes. En effet, depuis mon départ, c’est le premier pays qui ne me fait pas me sentir à l’aise sur les axes fréquentés. Mais une fois le massif des Carpates atteint, ce ne sera que du bonheur durant toute la traversée du pays (ou presque ^^). La Roumanie est un pays membre de l’Union Européenne, qui utilise le Lei comme monnaie (1 euro valant environ 4,95 RON). Le Roumain est une langue latine, (identique au Moldave d’ailleurs, à quelques variantes près). Beaucoup de mots sont similaires au français, à l’espagnol ou même l’italien, ce qui facilite la compréhension et l’expression. Durant la quinzaine de jours au sein du pays, j’ai affronté les derniers grands froids de l’hiver (je l’espère ^^).
Iasi est la première ville étape qui me permets de prendre la température des locaux : leur façon de vivre, de créer le contact, d’échanger. La ville est chargée d’histoire. Son architecture gothique, romanesque tranche avec les pays précédents. Il y a des églises à chaque coin de rue. Depuis mon arrivée, il neige. Je reprends la route un jour de soleil pour rejoindre les premières altitudes des Carpates. Je croise plusieurs plans d’eau dont le lac Izvorul Muntelui : magnifique. La vie rurale des petits villages le bordant sort doucement de l’hiver et prépare l’arrivée des beaux jours. J’ai eu la chance d’être hébergé dans un monastère, accueilli par frère Thomas, responsable des cuisines en ces lieux. Un bon repas, et une bonne nuit me permettent de repartir en forme le lendemain. Je n’arrive pas à créer de forts liens avec les roumains : nos échanges restes timides, réservés. Cela n’enlève rien à leur sympathie. Et quand j’observe la générosité dont ils font preuve à l’égard de leurs voisins ukrainiens, cela en dit grand sur leur hospitalité et leur solidarité.






Je poursuis ma route en direction de Gheorgheni, pour cela, les gambettes vont devoir se battre avec le profil pentu et sinueux qui y conduit. De grandes dalles et pointes rocheuses s’élèvent de chaque coté de la route, arborées d’épineux. L’hibernation des ours ne se termine qu’en avril, pourtant je reste à l’affût, ce serait magique de pouvoir croiser la route de l’un d’eux : peut être que certains ont faim avant les autres après tout ^^. L’ascension est rude mais si belle, je prends plaisir à retrouver les routes de montagne (les dernières étaient dans le Caucase géorgien). Au col, une petite station de ski culmine, ça donne envie de re-chausser =). J’entame la descente vers Gheorgheni : une petite ville montagnarde, bien agréable. J’y logerai à l’hôtel, il fait trop froid pour planter la tente en plus du froid de la journée, je ne saurais me réchauffer… Le budget quotidien à pas mal explosé en Roumanie : justement à cause du froid et du peu d’auberge de jeunesse. Les hôtels étaient complètement hors budget pour moi, mais j’ai dû faire avec… Vivement que le chaud revienne et que je retrouve mes habitudes de bivouac !!






Je quitte Gheorgheni sous la neige, pour une nouvelle étape montagneuse afin de rejoindre la ville de Sighisoara. Une superbe étape, glaciale, mais enchanteresse. Je croise dans les forêts de sapins (qui me font penser à celles des Vosges), de petites maisonnettes et chalets de montagnes qui ont, je l’imagine, un intérieur chaleureux. Mes pensées s’évadent : je me vois devant un feu de cheminée accompagné d’un chocolat chaud, une bonne tartiflette, et la part de tarte à la myrtille en dessert !! Si je devais conter l’ensemble des moments où mon cerveau partait dans ses délires, je pourrais en écrire un roman de plusieurs tomes ^^. Plus la journée avance, plus la neige se transforme en pluie, et plus les routes deviennent boueuses sur les bas côtés (lieu de circulation des cyclistes bien entendu ^^). A Odorheiu, j’ai cru faire un carnage. Je me fais doubler par un bus qui me klaxonne comme un sonné !! Il se rabat très vite, de sorte que son arrière-train me déporte dans le fossé boueux. Je me retrouve enlisé, et dégueulasse des pieds aux genoux !! Pas de chance pour le chauffeur, il a réussi à me faire monter en pression (pourtant il en faut) !! Mais là s’en est trop. J’arrive à le rattraper grâce à un feu rouge à l’entrée de la ville. A sa hauteur, je toque à la porte et commence à l’insulter de tous les noms !! La route appartient à tout le monde, il faut arrêter avec la loi du « je suis plus gros donc plus fort » !! Il n’est pas content, évidemment, sort sa tête par la fenêtre et hurle comme un chien enragé, ça me fait sourire, ce qui l’agace encore plus. Le feu passe au vert, je repasse devant, et rebelote, même action de sa part. Le trafic est dense, ce qui me permets de le rattraper de nouveau et de lui envoyer cinq gros coups de pied sur son bus tout propre. Fier de mes signatures boueuses, je prends la première petite ruelle qui me permets de lui échapper !! Ce n’était pas le jour ni le moment de venir me chercher !! Je me souviens des conseils que le douanier m’avaient donné : « attention sur les routes »… ^^ . J’arrive donc tout crotté à Sighisoara, ce qui ne fait pas forcément bonne impression auprès des habitants de cette charmante petite ville colorée. Je prends possession de mon lit en auberge, lave tout ce que je peux et pars flâner dans ce sublime centre ville situé au cœur d’une citadelle.






Après deux journées de repos, et l’affinage de mon itinéraire, je ré-enfourche la bécane. Le soleil est de retour, mais les températures en chute libre !! Je vais devoir faire une croix sur les deux routes montagneuses qui m’intéressaient en Roumanie : la Transfagarasan et la Transalpina. Des panoramas qui avaient l’air majestueux, mais malheureusement, elles sont fermées du mois d’octobre au mois de juin… Merci aux locaux de m’avoir filé l’info, car j’y serais parti tête bêche sans me poser de question. C’est donc vers la ville de Sibiu que je me rends. La barre des 10 000 kilomètres sera franchie durant l’étape !! Soit je ne réalise pas, soit je m’habitue, mais je n’ai pas de frisson, ni d’émotion comme pour le passage des 1000 et des 2000 premiers km ^^. Mon corps s’est habitué à pédaler régulièrement, ça devient presque un automatisme pour lui de fournir ces efforts.
Les cinq derniers jours en Roumanie, je les passerai aux pieds des blancs massifs, sur de petits axes. Malgré le froid, je me trouve quelques spots de bivouac : sublimes. Ce qui me permet de vivre une nouvelle très belle rencontre : celle de Jean, un berger d’une cinquantaine de moutons. Nous passons une fin d’après midi à discuter en regardant brouter les bêtes. Avant de partir, il m’offre à manger, et m’indique sa ferme si jamais j’ai trop froid cette nuit. Encore une fois, la sympathie et l’hospitalité des ruraux triomphent !! Les jours suivants, je traverserai des gorges suivant la rivière Jiu. Je me retourne régulièrement pour admirer le plus longtemps possible les monts enneigés des Carpates. Je ne leur dis pas adieu, mais plutôt à bientôt, en période estivale =).









Ca y est, le voilà : le Danube !! Le deuxième plus long fleuve d’Europe (après la Volga en Russie) prend naissance dans la forêt noire en Allemagne pour se jeter dans la mer de la même couleur en Roumanie. Il traverse quatre capitales : Vienne (Autriche), Bratislava (Slovaquie), Budapest (Hongrie), et Belgrade (Serbie). C’est donc à l’endroit où il fait office de frontière entre la Roumanie et la Serbie que je vais le traverser. Bye bye la Roumanie, et bonjour la Serbie !! En route vers de nouvelles perspectives plus planes, au fil du Danube =).






Itinéraire pour les curieux
Quelques points de passage en Roumanie : Iasi, Tagru Neamt, Dolhesti, Bicaz, Gheorgheni, Sub Cetate, Sighisoara, Agnita, Sibiu, Sebes, Orastie, Petrosani, Novaci, Tagru Jiu, Motru, Drobeta Turnu Severin.