La Cappadoce correspond à un plateau situé au centre de la Turquie à 1200 mètres d’altitude. J’y arrive de nuit afin de tenter ma chance avec les montgolfières (qui décollent au lever du jour). Quoi de plus beau que de découvrir une région par les airs avant de la fouler ? Mais malgré les journées ensoleillées, le vent empêchera toutes montgolfières de venir apporter la poésie en ces beaux lieux. Ca ne m’empêchera pas de randonner durant deux jours dans la rose, red ou encore pigeon vallée. Je me prends pour Lucky Luke dans ces paysages surréalistes : je pars à la recherche des Daltons ^^. La spécificité de la région réside dans le fait que sur les innombrables anciennes maisons troglodytes, quelques-unes restent habitées. Un patrimoine assez bien préservé avec des vestiges d’églises de l’époque byzantine, des sortes de menhirs à l’intérieur desquels ont été creusés de véritables logements. Certaines habitations sont perchées à plusieurs dizaines de mètres de haut. Sans parler des couleurs pastelles allant du rose, à l’orange, du rouge au vert. La nature est à elle seule un artiste à part entière. Les tableaux qui défilent sous mes yeux me laissent rêveur. Randonner est une autre très belle façon de prendre le temps. Ca me fait du bien de laisser le vélo de côté et d’évoluer plus lentement, zigzagant dans ces canyons en essayant de garder un certain sens de l’orientation ^^.
Le jour de mon départ de Göreme, un vent incroyable s’abat sur ces immensités désertiques soulevant le sable dans les airs. De nouveau mon plus fidèle compagnon de route (qu’est le vent) a remporté le combat : je ne roulerai que quinze kilomètres trouvant refuge à Ürgüp. Victoria m’invite dans son café très chaleureux. Elle est géorgienne de père ukrainien, et vit ici en Turquie. Elle a été guide touristique à Paris. Cette soirée aura été bercée de douces mélodies françaises. Je m’y suis senti comme à la maison, un bon chocolat chaud à la main.
Je quitte doucement la Cappadoce pour aller chercher la neige à 2200 mètres d’altitude. Les paysages sont à couper le souffle. Le vent s’est calmé et le soleil brille, je me sens tellement bien, loin du tumulte touristique. Les cols s’enchainent. Les nuits sont trop froides pour que je plante la tente, je trouve alors quelques petits hôtels pour passer les nuits au chaud. Très vite, je m’enfonce un peu plus dans les montagnes ne croisant plus que de petits villages. C’est là que la magie opère. J’ai été accueillis par des familles d’une générosité impensable, dont celle d’Abuzer. Il m’a dépassé en voiture (une vingtaine de kilomètres avant son village) me klaxonnant en guise d’encouragements, comme chaque voiture a l’habitude de faire ^^. Et arrivé dans son village, une famille buvant le thé dans la cour de leur maison m’interpelle. C’était celle d’Abuzer. Il m’avoue avoir attendu mon passage devant sa maison afin de me proposer l’hospitalité !! Ce qui prouve la gentillesse de ces gens. S’en suit une soirée d’échange riche en émotions. Un repas de roi, la rencontre avec les cousins, les frères et sœurs d’Abuzer. C’était un vrai défilé ^^. Une belle complicité s’installe entre chacun d’entre nous. Le lendemain matin, Ibrahim (le filston) m’emmène marcher dans le village et ses hauteurs. Il me montre les champs de tabac et de blé que cultive son papa, me fait rencontrer les amis et la famille proche. Ce matin là j’ai dû boire une dizaine de thé de bienvenue ^^. Après un délicieux petit déjeuner, c’est le moment de quitter cette famille avec regrets… Ils ne veulent pas que je parte, et au fond moi non plus mais je sais que de belles choses m’attendent par la suite. Je leur laisse une gourde et un gobelet de la ville de Besak en souvenir et enfourche mon vélo les yeux remplis de larmes. Que c’est dur, pourtant il y a à peine 15 heures, je ne les connaissais pas !! Au village suivant, j’entends une voiture qui klaxonne à tue tête. Je me sers sur le bas côté de la route pensant que je gênais. Et je vois Ibrahim les yeux tous rouges, m’apportant un porte bonheur pour la suite du voyage. Cette journée là, j’ai tellement été comblé par la sincérité des moments partagés, que mon esprit ne faisait même plus attention aux paysages qui m’entouraient.
Ce n’est qu’une fois arrivé au surplomb du fameux fleuve Euphrate que les reconnexions avec la Nature se font. J’ai une prise de conscience très puissante qui me submerge. L’Euphrate et le Tigre sont deux cours d’eau formant le berceau de la Mésopotamie. Ces deux noms me renvoient sur les bancs de l’école (collège et lycée) lors des cours d’histoire-géographie. Je me disais que jamais je ne verrais ces fleuves en les pointant sur les cartes, ils me paraissaient si loin. Ne jamais dire jamais !! Ma sensibilité ayant bien été stimulée depuis ce matin, je fonds en larmes en arrivant à proximité du pont qui franchira le fleuve. Impossible d’expliquer pourquoi. Je pense que la beauté de ce reportage qui tourne sous mes yeux, et la fierté d’être là où je suis m’ont mis dans cet état. Mais aussi de me dire que gamin je rêvais de voir ce genre de paysage, et qu’à 31 ans, à la force de mes jambes, j’ai réussi à donner à mes yeux une des images vivantes dont ils rêvaient. C’est le cœur léger et les sacoches toujours aussi remplies que je trouve mon spot de bivouac pour la nuit. Je rejoindrai en trois jours la ville de Mardin, située à une trentaine de kilomètres de la frontière syrienne. Une ville fabuleuse, dont le vieux centre perché domine une étendue de plaines arides. J’ai été une nouvelle fois accueilli, par de jeunes étudiants : Robin, Serhat et son colocataire. Une soirée dans un café-librairie à en apprendre un peu plus sur cette région de la Turquie. Toujours avec gentillesse et générosité !! Quand est-ce que les peuples du monde s’uniront pour enfin vivre de la plus belle des manières ?! La première qualité qui ressort de chaque rencontre est : la bienveillance envers son prochain. Ca fait du bien !!

A soixante-dix kilomètres de Mardin, je prendrai le temps de visiter la petite ville de Midyat. Elle conserve une dizaine d’églises araméennes orthodoxes qui sont malheureusement fermées. Il reste environ soixante-dix familles chrétiennes à Midyat. L’architecture en pierre brunes de son centre ville le rend charmant.
Itinéraire pour les curieux
Quelques points de passage de Ürgüp à Midyat : Ürgüp, Develi, Tufanbeyli, Elbistan, Dogansehir, Kömür, Siverek, Diyarbakir, Mardin, Midyat.